mercredi 29 octobre 2008

Une élite décadente

Une page de notre histoire se tourne avec la disparition des "Grands". Le temps des créateurs, des innovateurs est révolu. ceux qui avaient en grande partie forgé l’âme de notre Royaume, de nos provinces ne sont plus. Eux qui avaient acquis réputation, titre et fortune, ne ont rejoint le Très Haut laissant ici-bas leurs héritiers qui ne paraisse n’être rien puisqu’ils se contentent de paraître.

L’élite de notre Royaume est confrontée à une véritable crise, profonde, essentielle et existentielle, touchant au fondement même de l’aristocratie en son caractère méritocratique, si déterminant, si structurelle jusqu’alors. Longtemps, la noblesse a conservé son caractère méritocratique, dont l’hérauderie se faisait le chantre. Les règles héréditaires édictés, a juste titre au demeurant, ont cependant bouleversé l’équilibre. Les pères qui avant d’avoir paru, avait été, ont oublié de former leurs héritiers aux valeurs essentielles de notre communauté. Les pères ont oublié d’inculquer l’essence même de la noblesse : l’action méritante.
Beaucoup semble-t-avoir oublié, non sans raison, que la noblesse n’est pas le simple reflet d’une couronne dans une flaque d’eau, la voie lactée s’y reflète bien sans pour autant que la flaque ne soit autre qu’eau et boue. Ce n’est que dans les actes que l’on peut différencier le noble de l’ignoble et il ne s’agit pas là de paraître, mais bien d’être. L’Etre est ce qui est authentique chez soi et qui subsiste dans le temps. Ce sont en quelque sorte les qualités intrinsèque de chacun d’entre nous, qualités qui pour la noblesse doivent être transcendées par le bien, le bon et le beau. Le problème majeur est que dans cette péréquation, nos héritiers semblent avoir à l’esprit uniquement le beau, qui n’a aucune valeur, et qui est même dangereux, en dehors du bien et du bon. Est alors apparue une noblesse du paraître, qui n’existe, qui n’est, qu’au travers d’affriolante tenue ou de saugrenues démarches et gestuelles. Cette noblesse du vide sonne terriblement creux à nos oreilles en ne prônant ostentatoirement que titres et fortunes accumulés par leur lignée sans en justifier la légitime possession. D’autant plus qu’elle ne sait ni tenir à cheval, ni guerroyer convenablement, encore moins diriger nos provinces et parfois même seulement faire acte de présence aux conseils de la noblesse. Tout cela parceque cette noblesse ignore que c’est parce que nous sommes que nous paraissons. L’être est avant le paraître, et ne pourra jamais passer après. En somme, cette génération du paraître, n’est pas, elle existe, mais elle est sans fond, sans prise avec l’essence de la noblesse, elle est une hérésie. En cela il faut l’écarter ou la former. Mais le temps a hélas des effets irrémédiables, et la formation de l’être ne s’opère que très mal passé un certain âge. En cela nous sommes fautifs. Ceux qui ont tant œuvré pour le Royaume, ont oublié la génération de demain, faisant de grandes réformes, tentant d’innover, ou de réparer, ils ont oubliés que leurs enfants, par hérédité, devaient leur succéder et prendre le relai des grandes œuvres entreprises.
Alors aujourd’hui, nous ne pouvons qu’exhorter à ne pas se soucier de paraître, et marteler que seul l’être importe. Le désir par vanité est péché devant Aristote. Le paraître ne peut être une manifestation de l’essence que si le bon et le bien ( ou le mal et le mauvais, mais ici c’est tout à fait exclu pour la noblesse qui se doit être la gardienne des valeurs Aristotélicienne) fonde ce paraître. Ayez une noble âme, et vous serez beau. Si vous n’aide que vide et creux alors vous ne paraitrai que beau. Par dessus tout, ne négligez pas votre rôle et le rang que vous devez tenir dans les actes ! Si cela n’est fait, alors la noblesse coure elle même à sa perte, car n’oublions jamais que si nous sommes supérieurs aujourd’hui en tout c’est parce que notre raison d’être est le mérite. Sans mérite, le privilège n’est plus justifié, et j’affirme que des bouleversements fonderont notre système si cela change. Et l’on sera accusé de nous « être donné seulement la peine de naitre"* et de "s’enfermer pour tailler des plumes et paraître profond, quand on n’est, comme on dit, que vide et creux" *

Pour ne pas rester uniquement dans la critique, et pour ne point être attaquable sur ce point il nous faut présenter des solutions à ce problème majeur. Il semble que cette solution se trouve dans une réforme récente de l'ordre de Saint-Ouen, qui a décidé que tout héritier du titre de chevalier, exceptionnellement transmissible en cet ordre, devrait accomplir un parcours afin de montrer sa dignité à recevoir le titre. La solution proposée semble être bonne, mais elle pourrait être doublée de manière corrélative ou cumulative par une seconde mesure : l'acceptation ou le refus du suzerain à prendre en sa vassalité l'héritier. Il faudrait bien entendu des critères strictes afin de déterminer le refus ou l'acceptation et ce pour éviter tout débordement. Cependant il parait admissible qu'un suzerain ne veuille avoir pour vassal un incapable, paresseux, à l'honneur douteux. Car n'oublions jamais que le contrat féodo-vassalique est un contrat synallagmatique, c'est-à-dire qui entraine des obligations et des droits pour les deux parties en présence. Or si l'héritier est en droit de réclamer un titre, il doit être en mesure de réaliser ses obligations qui sont les devoirs de conseil et d'aide. Je crois donc qu'il est nécessaire et judicieux aujourd'hui de se pencher sérieusement sur cette délicate question afin de ne pas anéantir l'essence , la raison d'être, même de la noblesse : le mérite et la dignité.

*[ hrp : Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1778 ]

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